Certaines personnes, lorsqu'elles remarquent que l'autre n'est pas ce qu'elles avaient supposé, sont poussées par une curiosité naturelle afin d'en savoir plus sur celle-ci. Les hommes trouvent étrange d'avoir été envoûtés par une femme qui a cessé de les attirer quand elle s'est avérée réelle. Ils essaient alors de découvrir ce qui s'est passé, pourquoi l'attraction s'est estompée ? De cette façon, il y a une chance de raviver la projection. Mais ceux qui dès qu'ils sont déçus, coupent les ponts restent toujours à la merci de leur projection. On reste déçu, au moment de la relation ou à la suite, pendant un certain temps, afin de découvrir ce qui s'est passé. C'est ainsi que Jung a découvert, en lui-même, l’existence de l'anima. Étant une fois de plus déçu par une femme, il se demanda pourquoi diable il attendait autre chose - pourquoi avait-il espéré quelque chose de différent ? En se posant de telles questions et en réalisant que son attente ne correspondait pas à la figure de la personne extérieure, il a découvert l'image du féminin à l'intérieur de lui-même.
Il est donc toujours utile, si vous êtes déçu par une relation - pas seulement une relation hétérosexuelle - de vous poser de telles questions : pourquoi n'ai-je pas vu cette projection auparavant ? À quoi m'attendais-je ? Pourquoi ai-je eu une image différente de cette personne ? D'où provient l'erreur ? Car l'erreur prend aussi une forme réelle. Si on est capable de se poser ces questions, cela indique le désir de s'accrocher à la relation humaine et de raviver l'illusion pour la transformer. Une fois fait, une fois la relation établie à son niveau réel, alors les illusions doivent être étudiées comme un élément intéressant nous renseignant sur nous-mêmes. Mais les personnes possédant une image d'eux même négative avec un sentiment de faiblesse ont tendance à rompre la relation dès que l'autre les déçoit. Ils sortent de cette relation puisqu'ils n'y ont plus d'intérêts ; la question à savoir pourquoi on a eu une mauvaise expérience et pourquoi on a été blessé n'est pas posée.
On ne peut le découvrir que si l'on continue à se questionner après la déception. On pourrait alors en trouver la cause. Au tout début, on pense que l'on connaît l'autre personne, car quand je projette, j'ai le sentiment d'une connaissance intime. Lors de la première rencontre, il n'y a pas besoin de parler : vous savez tous sur l'autre - c'est une complète projection - ce merveilleux sentiment d'être un et de se connaître depuis des siècles. Puis, soudain, l'autre se comporte de manière inattendue et nous sommes déçus. On tombe des nuages et on sent que « ce n'est pas parfait ». Si vous continuez cette relation, vous devez faire deux choses, car pour l'instant il y a une double guerre : vous devez découvrir d’où vous vient une telle illusion et qui est vraiment l'autre personne, car elle n'est pas ce à quoi vous vous attendiez. Qui est-il ou elle, en réalité ? C'est un long travail, et une fois que vous aurez fait cela – que aurez trouvé la racine de votre propre illusion et comment l'autre personne semble être quand on la regarde sans projection - alors vous pourrez vous demander pourquoi votre illusion a choisi cette personne pour s'incarner ? C'est très difficile, parfois l'hameçon est énorme, et parfois il est tout petit, parce que l'autre personne peut n'avoir que quelques caractéristiques correspondant à votre projection, dans ce cas, il peut s'agir plus ou moins d'une illusion. Il en existe à différents degrés. Extrait de la neuvième conférence sur le "Puer Aeternus" de Marie-Louise von Franz.
Il est important de prendre conscience que ce que nous recherchons à travers la projection en l'autre est ce qui nous manque cruellement pour nous sentir pleinement accomplis en tant qu'individu. Cette prise de conscience est une base sur laquelle nous pouvons nous reposer afin d'effectuer un travail personnel.
Ces manques recherchés proviennent souvent de notre enfance, de notre construction préadulte, mais également de nos idéaux les plus profonds, symbolisant l'accession vers la totalité de soi-même . Et la bonne nouvelle est qu'il n'est jamais trop tard pour les faire advenir à la conscience et pour en être comblés.
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