La puella peut être décrite comme une fascinante petite fille à la vitalité libre et enfantine. Sa présence illumine une pièce alors qu'elle se donne en spectacle pour être adulée et pour les louanges des autres. Elle n'aime pas être contenue, asservie aux règles ou aux conventions, ou inhibée de quelque manière que ce soit, en particulier par la réalité. Sa fraîcheur, son énergie indomptable et son goût pour l'insolite incarnent la jeunesse et la créativité perpétuelles. Des fantasmes naïfs de jeunesse, de beauté et de pouvoir la sortent de la vie quotidienne, qu'elle considère morne et commune. Dans ce monde autoconstruit, elle fuit ses ombres, qui représentent la descente sur terre nécessaire pour actualiser la créativité et la vie qui peuvent la guérir. Le côté sombre de la puella se manifeste par le narcissisme et la difficulté à se prendre au sérieux parce qu'elle s'identifie en tant que fille et non en tant que femme. Déconnectée de sa propre féminité, même si elle a l'air de jouer le rôle, elle ne trouve pas de satisfaction à être une femme et ne se sent pas solide en elle-même. Le paradoxe est que la puella est animée par des désirs d'être vu, d'exceller et d'être aimé, mais pas d'être connu intimement. Son fantasme est qu'un jour elle deviendra ce moi idéal qu'elle ne peut pas atteindre maintenant parce qu'elle fuit la réalité. Il y a toujours un «mais» qui empêche le développement ou l'engagement parce que chaque situation s’envisage à court terme et que les relations avec les autres vont vers cette même tendance. Elle s'ennuie facilement et se sent piégée, inconsciente de son propre manque de connaissance de soi. Ainsi, son potentiel se flétrit avant de mûrir, car elle préfère le fantasme de la jeunesse perpétuelle à la réalité d'un développement douloureux. Le sentiment d'imposture à l'âge adulte crée des tensions et de l'insatisfaction. Elle dégage une apparente qualité, mais reste profondément fragile par manque d'ancrage, c'est pour cela qu'elle dégage une aura qui la protège et met à distance, derrière laquelle elle existe dans son propre domaine comme intouchable. Elle est vulnérable, une enfant terrifiée pour qui l'existence physique est une épreuve parce que les sensations corporelles sont niées ou ignorées afin d'éviter de ressentir et de se protéger de tout ce qui ne fait pas partie de son monde soigneusement construit. Parce que la puella se sent indigne d'amour, ce qui peut être douloureux, elle évite la possibilité de ressentir cette douleur. Cet évitement se traduit par un manque d'engagement, une agitation, une dépersonnalisation et une incapacité à habiter le présent. Il n'est pas surprenant que le type puella éprouve un vide intérieur qui s'ajoute à l'envie d'être accepté et admirer afin de combler ce vide. Son clivage émotionnel la maintient derrière une vitre, éloignée de sa propre existence et du monde. Elle évite les aspects sombres de soi, qui menacent son sentiment fragile d'identité. Mais l'ombre fonctionne quand même chez la femme puella; elle la voit en partie et elle fonctionne bien extérieurement, mais elle sent que rien n'a de sens, ce qui signifie que ses expériences ne sont rien pour elle. Pour s'assurer que ni elle ni personne d'autre ne le découvre, elle feint la confiance et le sang-froid qui pourraient apparaître comme exhibitionnistes et grandioses, égocentriques, même mesquins, étroitement ambitieux et envieux. Cette façade peut paraître froide, car elle cache ses difficultés à accepter l'intimité et la réciprocité dans les relations avec les autres. Sans une image favorable d'elle-même, elle a peu de bases pour comprendre les autres. Elle a du mal à donner parce qu'elle se sent, comme-ci elle n'avait rien de valable à donner, incapable de prendre du recul et de réagir avec souplesse au comportement des autres. La puella a besoin d'amour et d'attention, mais elle se joue d'elle-même et des autres en mettant sur pied une image et en agissant à l'aide de faux semblant. Elle se sent peu aimable et éprouve de la honte, de la vulnérabilité et de la peur - le tout basé sur la conviction de ne pas être assez bonne. Le manque de confiance et de sécurité à la base, la lance à la poursuite d'un idéal apparent, à travers des cosmétiques, de la mise en exergue de son corps et de bien d'autres pensées et comportements compulsifs et négatifs. Cette autoabsorption, cependant, est en fait la défense de son intimité et de sa réflexion. Conservée dans un état temporel suspendu, la puella n'est pas pleinement présente dans les moments ou les heures de sa vie. Le caractère de la puella n'est pas facile à cerner, car l'insaisissabilité est renforcée par son charme. Parce qu'elle n'a pas la capacité ou le désir d'autoréflexion réaliste, son image est déformée par l'incapacité de se connecter avec son cœur. Une ombre enveloppe sa créativité et son expressivité afin qu'ils ne puissent aller nulle part; ainsi, tandis que l'ombre est perçue comme effrayante et non comme elle-même, elle contient également les éléments dont elle a besoin pour se réaliser. Le problème est que lorsque la potentialité de la psyché n'est pas utilisée, elle se pervertit. Enveloppée dans l'abnégation de soi, elle ne peut pas accéder à ses propres dons naturels. Le besoin de l'approbation des autres motive sa nature compétitive, mais elle ne doit pas les menacer ni les surpasser, car elle craint d'être haïe ou exclue. Par conséquent, elle se diminue en se retenant d'une manière ou d'une autre ce qui soutient perversement les préjugés culturels contre les femmes qui sont sainement compétitives et fortes.
La caractéristique de la puella est qu'elle se cache provisoirement dans l'ombre, dans la déconnexion d'elle-même et des choses, dans le dégoût de soi et dans le désaveu de sa propre expression. Bien qu'elle soit égocentrique, elle a besoin que les autres se reflètent sur elle et soient témoins de sa vie. Elle perd du temps en n'étant jamais dans le temps présent car elle vit toujours dans le futur.
Traduit de l'anglais, extrait de "Petite fille perdue: Sylvia Plath et la Puella Aeterna"
de Susan E. Schwartz
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