Je viens d'avoir l'occasion de découvrir "Le Phallus et le Néant" présenté directement par la templière de la scientificité moderne, Sophie Robert. Je ne sais pas ce qui m'a le plus fasciné, si c'est le film en lui-même ou le discours du personnage, mais j'en suis sorti profondément divisé.
Le format du film m'a paru assez lourd, voir carrément indigeste et confu. Si j'ai bien compris, l'essentiel du documentaire est composé des "Rushs" d'il y a une dizaine d'années tournées à l'occasion de son dernier film "le Mur" (sur l'autisme), aéré par des dessins d'animations mettant grossièrement en scène les déboires d'une patiente avec sa psychanalyse.
Comme disait souvent papa Jung, il y a toujours une part de vérité dans tous propos ! (C'est largement paraphrasé je l'avoue).
Que la Psychanalyse freudienne et lacanienne, propos du film, soit aujourd'hui à ranger dans d'archaïques couloirs face aux évolutions sociales, c'est incontestable ; d'autant plus si comme souvent, elle est prise de manière dogmatique et technique loin de ses réelles résonnances symboliques.
Oui, Sophie Robert et tous les détracteurs ont bien raison de dénoncer ces excès théâtraux de lyrismes abscons - chez les lacaniens - qui n'ont de sens qu'assimilés par des temps où c'était à la mode d'aider à penser se pauvre provincial qui n'était vu de Paris, pas capable de pensée décemment, car seul face à la merci de ses pulsions animales. Oui, la Psychanalyse se meurt d'être comprise par la tête, là où elle nécessiterait d'y incorporer aussi ses affects loin de cette valeur mentale protubérante. Tant que l'on n’en a pas pris conscience, l'Animal fait encore peur, comme si les pulsions étaient source de potentielles dérives et qu'elles devaient être conscrites, en définitive, pas encore accepter dans nos sociétés dites modernes. On peut aussi remettre en question le sacrosaint divan comme nécessité absolue d’une l’analyse réussie. Dans un monde où l’homme est de plus en plus seul avec lui-même au milieu de la fourmilière, le laisser dans ses élaborations intérieures ne revient t-il pas à faire ce que fait la société, nier le lien et la rencontre ? La fonction « enregistrement » de votre téléphone ferait un psychanalyste bien moins cher pour une efficacité quasi identique. Combien aujourd’hui se sont servi de YouTube de manière cathartique ?
Notre époque est celle de la technicité et du chiffre où le romantisme ne parle guère plus à personne, où même les descendants de la psychanalyse orthodoxe se perdent dans le cadre d'une rigueur aride et incompréhensible. Comment redonner place, à la simplicité humaine et à la spontanéité dans l'Analyse ? Comment redonner du sens à l'Analyse ? Je suis toujours extrêmement partagé... face à la subtilité d'un tel tractopelle. Même si la protestation est louable, je doute des éventuelles solutions proposées.
Le propos de base du "Phallus et le Néant" paraitrait plausible si Sophie Robert ne rajoutait pas ses propres contradictions dans la balance, qui viennent faire définitivement basculer l'idée initiale en un combat démesuré qui frise l'absurde ; ce faisant, elle passe la limite de l'équilibre et vient nourrir l'appétit de ses détracteurs.
"Je voulais être Psychanalyste, mais je n'ai pas pu", avoue-t-elle d'emblée dans la présentation de son documentaire.
Nous nous sommes présentés en tant que "Jungien" avec mon collègue Gilbert Bonnefoy, mais elle nous a mis dans le même panier de crabes que les intervenants du film.
Le caractère pathologique de cette croisade contre la psychanalyse, c'est l'holocauste systématique de tout ce qui en a l'attrait. C'est tellement puéril de détruire l'obstacle plutôt qu'essayer de comprendre son histoire, sans anamnèses ni pardons. N'y a t'il vraiment rien de bon à garder dans la Psychanalyse ? La psychologie clinique moderne irait-elle jusqu'à étouffer sa propre mère ? La Psychanalyse Freudo-Lacanniene résume-t-elle l'essentiel de la Psychanalyse moderne ?
Premièrement, tout n’est pas objectivable dans la psychologie et rétrospectivement dans le psychisme. En France, le début des UFRs de Psychologies dans les années 70 et la protection (ou l'enfermement, question de point de vue ^^) du titre de Psychologue par la loi de 1985 viennent émanciper la Psychologie Clinique de la branche médicale allopathique pure. Mais il ne faut pas oublier que la Psychologie clinique est finalement née des substrats de la psychanalyse (et non l'inverse), elle-même née de la Psychiatrie comme une tentative de médiation par la parole et le sens, face à une institution quelque peu fataliste et brutale.
La psychologie est une Science humaine, ce qui la rend bien particulière. L'Homme se retrouve face au problème de sa propre complexité et au manque de recul de sa condition. Si Charcot ou Freud incarnent la naissance d'une forme de psychologie moderne, nous ne sommes pas encore arrivés, selon mon humble personne, à l'ère de son adolescence. Mais dès lors qu'on l'officialise, se pose la nécessaire question sociale du critère qui donne à quelqu'un le droit, ou non, d'exercer son métier. La plupart des validations de semestre, du moins en License, se font par des questionnaires à choix multiples quand ce ne sont pas des dissertations sur de la terminologie ou de l'histoire psychologique. Est-ce suffisant pour être garant d'une clinique saine et empirique?
Retirer le fond de la psychanalyse à l'université, c'est retirer plus de la moitié du programme d'enseignement clinique. Enlevez à cela encore l'histoire de ladite "Psychologie" et vous pourrez être adoubé Psychologue en un semestre.
La clinique est donc toujours une rencontre singulière avec l’autre, qu’aucune technique ni qu’aucun outil ne peuvent objectiver. De penser qu'un savoir théorique peut faire de soi un bon Clinicien est une erreur monumentale trop souvent commise par les scientifiques de laboratoire. Le véritable enjeu qui se cache derrière ces croisades névrotiques et ces combats de chapelles, c'est de savoir comment l'on devient un individu, ou comment lui indique-t-on les bases de son propre équilibre pour accompagner professionnellement autrui ...si tant est qu'on puisse le faire. Peut importe les différentes écoles de psychologies privées ou même l'orientation des facultés, tout cela n'est, d'après moi, que l'aboutissement d'un chemin, la cerise sur le gâteau d'une vocation intérieure. L'initiation, le rite et même la confrontation empirique à la vie, à son mordant, sont encore les meilleurs moyens d'avancer sur la voie de sa psychologie et de celles des autres dans la mesure où celles-ci gardent un pouvoir numineux, qu'il y ait mystère ou pas. Mais il est bien plus rassurant de croire en la divine Science et son exactitude que de savoir que la vie est une véritable aventure à risques. La Guerre contre le mouvement psychanalytique ne date pas d'hier, elle n'est pas prète de s'arrêter et personnellement, je suis convaincu que c'est une bonne chose... Laissons-la mourir ! Que les corbeaux s'en repaissent ! Les mouvements analytiques s'essoufflent, car ils sont embourbés dans un rêve imagé qui n'est même plus compris, ni ressentit par ses acteurs – combien de freudiens sont capables de prendre assez de recul pour comprendre le symbolisme dans le credo de la sexualité ? En plus de cela, même éduqué, il n'est pas donné à tout le monde de comprendre les enjeux complexes qui font de soi un individu au milieu d'une société collective de plus en plus bruyante et obnubilée par sa seule concupiscence.
Il suffit de lire le livre d'Elsa Godart philosophe et Psychanalyste "la Psychanalyse va-t-elle disparaître" pour être convaincu qu'en effet, à ce rythme, elle va disparaître, du moins sous sa forme actuelle. Malgré les conclusions optimistes de l'autrice, il est souvent plus facile de rebâtir une maison sur de bonnes bases symboliques, plus que de s'évertuer à rénover un bâtiment qui s'écroule, faute d'en comprendre les matériaux et la conception initiale contextuelle.
Mais ne nous leurrons pas, il y a autant de Psychanalyses qu'il y a de Psychanalystes et il me semble absurde de lutter contre un mouvement tout entier. Comme partout, il y a des gens de talents et d'autres qui se sont égarés à endosser un costume qui n'est pas le leur.
Je terminerais par cette sacro-sainte phrase écrite par Jung dans "la guérison psychologique": "On ne soigne pas avec ce que l'on dit, mais avec ce que l'on est". Il faut juste accepter qu'être n'est pas forcément une valeur mentale quantifiable et encore moins sûre. C'est faire raisonner en soi l'Aventure d'une vie.
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